Pierre Vespignani est kinésithérapeute du sport depuis 20 ans. Il a exercé dans plusieurs clubs professionnels, principalement dans le football, le basket et la boxe.
– AS Nancy Lorraine,
– SLUC Nancy Basket,
– Sélection sénégalaise de football durant la coupe du monde 2018
– Olympique de Marseille
Il a également fondé plusieurs structures dédiées à la kinésithérapie du sport tel que EZTM.

Voici un extrait d’une interview donnée à Topicfoot en mars 2025, où il revient sur la saison 2023-2024 qui a multiplié les difficultés.
Une saison 2023-2024 chaotique à l’OM
Pierre Vespignani : Après la période Covid, j’ai connu plusieurs saisons compliquées à l’OM, notamment celle de 2023-2024, marquée par une instabilité rare avec quatre entraîneurs différents en une seule saison.
Gérer autant de changements est extrêmement délicat. Marseille est un club et une ville où l’on passe très vite à autre chose : il y a tellement d’actualité qu’on a tendance à oublier rapidement les événements passés. Pourtant, la saison dernière restera dans les mémoires.
Nous avons terminé la saison précédente avec Igor Tudor, qui avait obtenu de bons résultats et réalisé une saison solide. Pourtant, il n’a pas continué. Comme souvent dans ces cas-là, nous n’avons jamais vraiment les explications. Un jour, il est là, et le lendemain, il ne l’est plus.
La saison 2023-2024 a commencé avec Marcelino et son staff espagnol. Il est resté jusqu’en novembre, avant d’être remplacé par Gennaro Gattuso et un staff italien. À ce moment-là, un nouvel élément a compliqué la situation : la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Pendant un mois, une grande partie de notre vestiaire était absente, ce qui a forcément impacté les résultats.
Gattuso n’a pas eu le temps d’avoir un effectif complet à sa disposition. Puis, il est lui aussi parti. Comme toujours, on ne nous explique pas trop les raisons. Un staff intérimaire a pris le relais avant que Jean-Louis Gasset et son équipe française n’arrivent en fin de saison.
Des méthodes de travail radicalement différentes
Pierre Vespignani: Notre travail n’est pas de juger les entraîneurs, mais il faut reconnaître que chaque staff a une approche très différente. À l’OM, seuls de grands coachs sont recrutés, chacun avec ses propres méthodes :
- Les Espagnols ont une approche bien particulière.
- Les Italiens ont une méthode totalement différente.
- Les Français, encore une autre philosophie.
Cette année-là, entre les changements de coach et la CAN, la saison a été extrêmement difficile. Pourtant, l’équipe n’a pas été ridicule : nous avons atteint les demi-finales de l’Europa League et avons disputé deux matchs par semaine en raison des tours de qualification en début de saison.
Malgré cela, l’équipe a craqué en fin de saison, terminant à une place décevante en championnat.
Un bilan médical solide malgré les turbulences
Pierre Vespignani : D’un point de vue médical, nos résultats ont été très bons. Nous avons réussi à maintenir un nombre de blessures très bas par rapport à d’autres clubs.
Cependant, nous avons connu un pic de blessures au retour de la CAN, ce qui était prévisible. Nous avions anticipé ce risque, mais nous n’avons pas forcément eu la main sur la prévention en début de saison, car certains choix avaient déjà été faits avant l’arrivée du staff médical.
Quand un nouveau staff arrive, il vient souvent avec son équipe complète, ce qui limite notre influence sur certains aspects de la préparation. Cette accumulation de facteurs a rendu la saison encore plus compliquée.
Nous nous sommes adaptés jusqu’au bout, mais cette saison a marqué la fin de notre aventure à l’OM. Avec l’arrivée d’un nouvel entraîneur, Roberto De Zerbi, un nouveau staff médical a été mis en place, ce qui est assez courant dans le football moderne.
Les changements de staff médical : une tendance récente
Pierre Vespignani : Avant, un changement d’entraîneur n’impliquait pas forcément un remaniement du staff médical. Ce dernier était plutôt indépendant et restait en place plusieurs saisons.
Aujourd’hui, les tendances évoluent. De plus en plus d’entraîneurs viennent avec leurs propres équipes médicales, ce qui entraîne une rotation plus fréquente du personnel. Cela fait partie du football moderne : on arrive à un moment, on travaille, puis on part pour un autre projet.
C’est un milieu exigeant où l’adaptation est essentielle. Travailler avec différents staffs, différentes méthodes et différents styles de management fait partie du métier, mais cela reste un défi permanent.
L’importance d’un staff médical stable
Pierre Vespignani : Il est essentiel que le staff médical soit stable dans un club. La continuité permet un meilleur suivi des joueurs. Si le staff médical change à chaque fois que le staff technique est renouvelé, cela complique forcément la prise en charge des blessures et la prévention.
Avec l’arrivée de staffs étrangers, que ce soit à Marseille ou ailleurs, plusieurs facteurs entrent en jeu. La barrière de la langue peut être un obstacle, et ces équipes fonctionnent différemment des staffs français.
Si l’on prend Didier Deschamps en équipe de France, ou encore Rudi Garcia et d’autres entraîneurs français, on remarque que leurs staffs sont relativement réduits, même lorsqu’ils s’exportent à l’étranger. En revanche, les entraîneurs espagnols, italiens ou portugais arrivent souvent avec une équipe très fournie, parfois une dizaine de personnes. C’est leur façon de travailler.
Dans ces structures, un membre du staff est souvent en lien avec la santé, mais ce n’est pas forcément un médecin ou un kiné. Il s’agit généralement d’un préparateur physique polyvalent, qui garde un œil sur plusieurs aspects du suivi des joueurs. Cette organisation peut déstabiliser le staff médical en place, notamment lorsque ces nouvelles personnes sont intégrées à la structure existante. Elles sont généralement compétentes et efficaces, ce qui facilite la transition, mais dans la plupart des cas, le staff médical finit par être remplacé. Toutefois, il est rare que ce soit fait brutalement, sauf lors de saisons très chaotiques.
Une relation forte entre le staff médical et les joueurs
Pierre Vespignani : Quand une saison est difficile, le lien avec les joueurs évolue. D’un côté, cela peut resserrer les relations, car on vit des moments intenses, aussi bien énergisants que compliqués.
Les joueurs sont très respectueux des personnes qui travaillent autour d’eux. Ce sont des professionnels, habitués à évoluer dans un environnement structuré. Dans tous les sports professionnels, l’image que l’on peut avoir de l’extérieur ne reflète pas toujours la réalité. À l’intérieur, les joueurs sont souvent des personnes exceptionnelles, saines, polies, avec une rigueur presque militaire.
Bien sûr, des tensions peuvent exister, mais elles restent rares. Globalement, le respect et la reconnaissance sont au cœur des relations. Mais il faut aussi accepter les règles du jeu : un jour, c’est un joueur qui part, un autre jour, c’est un membre du staff. C’est la vie du sport professionnel.
Quand un staff quitte un club, il n’y a ni conflits ni rancune. Au contraire, on continue souvent à collaborer sur d’autres projets. Avec les joueurs, le lien perdure. Les kinés sont des confidents, car ils vivent au cœur du vestiaire. Contrairement aux autres membres du staff, les salles de soins sont intégrées aux vestiaires, ce qui permet d’échanger avec les joueurs au quotidien.
Ces derniers nous font confiance et n’hésitent pas à nous contacter, même après leur départ. Où qu’ils soient dans le monde, ils demandent souvent notre avis sur des blessures ou des soins. On garde un lien fort et on reçoit régulièrement des messages de soutien, ce qui montre l’importance de la relation construite avec eux.
Retrouvez cette interview en intégralité sur notre chaine YouTube Topicfoot
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